Les contrats à Impact Social (CIS)

 

Réformer l’action publique dans le domaine social est possible grâce aux “Social Impact Bonds” nés dans l’Angleterre conservatrice de 2010. Rapidement adoptés par les USA, Israël et divers pays d’Europe, ils deviennent les “Contrats à Impact Social” testés par le gouvernement Hollande six ans plus tard. En Septembre 2020, ils amorcent un retour en force lors du “Plan de Relance de l’Économie”, sans pour autant s’annoncer comme une réforme en marche. Ils autorisent cependant des acteurs privés à financer des interventions à travers des structures ESS, avec la bénédiction de l’État.

 

L'article du mois dernier 'Une nouvelle secrétaire d'Etat à l'ESS et un plan de relance de l'économie globale' citait l'annonce de Mme Olivia Grégoire (Secrétaire d'État en charge de l'ESS), lors de sa prise de poste : « Je veux multiplier les passerelles pour que les acteurs de l’ESS ... inspirent les grandes sociétés pour que celles-ci mènent plus fréquemment et plus amplement des actions à impacts ». Cette syntaxe donnerait-elle à penser que les passerelles escomptées soient sources de renouveau philosophique pour les tenants du CAC 40 ?

Il s'avère que non. La mention d' « actions à impact » fait référence aux « Contrats à Impact Social » (CIS) introduits dès 2016 dans la sphère de l'Économie Sociale, Solidaire et Responsable (ESS) (*). Ils autorisent l'ingérence du privé dans le domaine social jusqu'alors du seul ressort d'un Etat encore associé au noble vocable 'Providence'.

 

 

(Source Ministère de l'Economie)

 

L' « action à impact » se mesure en France à travers le schéma ci-dessus. Un besoin social (exemple : insertion professionnelle de repris de justice) se fait jour. Une association dédiée en définit contours, finalités et coûts associés. Un investisseur privé (ex : BNP-Paribas) avance les fonds, avec l'aval de la collectivité (Etat, Région, Département...). 

L'association peut alors appliquer son programme ; si son objectif est atteint, la collectivité qui censément a fait des économies durant l'opération rembourse l'investisseur avec intérêts - de l'ordre de 5% environ. Si le programme échoue, l'investisseur en est pour ses frais.

L'évaluation est déléguée à un organisme indépendant.

Mais de qui est indépendant cet organisme ? De la puissance publique ? Des investisseurs privés ? Est-il ponctuel, seulement rattaché au projet initial ? A-t-il au contraire vocation à perdurer dans l'optique d'une multiplication des CIS ? Comment évaluer la pertinence de son évaluation ou s'assurer de son impartialité ? 

Cette forme de PPP (Partenariat Public Privé désormais courant dans la gestion / construction d'hôpitaux ou de prisons...) déjà décriée en France est jugée alarmante : « Ces contrats sont à la croisée de plusieurs configurations contemporaines, notamment ce discours de crise de l’État-providence, qui justifie aujourd’hui que les politiques publiques ne soient plus portées par l’État et ses administrations, mais déléguées à un tiers secteur. Avec, en arrière-plan, l’idée selon laquelle le monde associatif serait peuplé d’amateurs, et que le privé serait plus efficace et innovant »(**)

L'innovation tient plus au mode de financement qu'à quoi que ce soit d'autre : le 'risque' (que l'action n'ait pas d'impact) est lié au concept d'investissement (et de retour sur celui-ci). Par extension, la valeur de l'action à travers le CIS peut encore s'appréhender pour ses visées humanistes mais à terme également par son rapport qualité/prix ! Il est à noter que les structures ESS impliquées dans cette formule se font malignement complices d'un système dont elles se veulent l'alternative.

Les mesures d'austérité s'ancrent dans les mentalités tout comme dans des procédures qui érodent lentement le concept d'État-providence, né d'un élan altruiste post-1945. Sous couvert d'économies, l'État contemporain ouvre au secteur privé le financement d'affaires éminemment publiques : rentabilité et profit font donc leur entrée comme références en matière sociale, par défaut d'humanisme...

Laurent Bagnard pour Alpes Solidaires

 

(*)-M. Emmanuel Macron était alors ministre de l'Economie, et Mme Martine Pinville en charge de l'ESS.

(**)- Yannick Martel, pour l'Institut Godin (recherche sur l'innovation sociale et les politiques publiques). Cité dans  : « Solidarité à but hautement lucratif », Margot Hemmerich & Clémentine Méténier, Oct. 2019

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