Table Ronde au Palais des Sports de Grenoble
Étaient présents :
  • Marie Arnould, rédactrice en chef des 4 saisons du jardin bio, le magazine de Terre Vivante
  • Éric Duchemin, professeur associé, chercheur et Président d’AU/LAB : laboratoire de recherche, d’innovation et d’intervention en agriculture urbaine, associé à l’Université du Québec à Montréal
  • Lucille Lheureux, adjointe au Maire de Grenoble en charge de la nature en ville et des espaces publics
  • Bertrand Noiret, responsable du Pôle Conseil et chef de projet, Fermes d’Avenir (France)
 
L'autonomie alimentaire de Grenoble s'élève à 1,37 % , a constaté Marie Arnould. C'est la part des produits grenoblois sur l'ensemble de l'alimentaion disponible en ville. Bertrand Noiret a souligné qu'en cas de pénurie de pétrole, Grenoble (et les villes de manière générale) disposerait seulement de 2 à 4 jours d'autonomie.
 
Éric Duchemin a rebondi sur ces propos en nous parlant des « déserts alimentaires »: il s'agit de lieux où les habitants sont contraints de prendre leurs voitures pour pouvoir accéder à une alimentation saine. Il a ensuite présenté les différents aménagements possibles en ville pour une réappropriation de la nourriture, à la fois proche et saine, en rappelant la forte présence de pesticides dans les fruits et légumes des supermarchés.
 
D'après un sondage, environ 40 % des habitants de Montréal, Toronto ou encore Vancouver, déclarent cultiver des fruits et légumes chez eux. Cette culture urbaine n'est pas le luxe exclusif des propriétaires de maison : les habitants utilisent des parcelles de jardin mais aussi les balcons, les terrasses ou les toits pour cultiver.
Au-delà de ces initiatives individuelles, on remarque une expansion d'associations et de collectifs citoyens qui œuvrent pour une transition alimentaire des villes : l'élan citoyen précède l'agenda politique. La réappropriation de l'espace public par les habitants pour créer des potagers répond souvent à des situations de crises économiques. Ces crises ne seraient-elles pas finalement des tremplins pour le changement ? Telle est la question posée par Éric Duchemin.
 
 
Quelles solutions pour une autonomie alimentaire des villes ? L'exemple de Montréal
 
  • Les jardins collectifs à Montréal sont apparus dans les années 90. Leurs superficies varient entre 200 et 500m². Ils créent beaucoup de lien social entre les habitants.  
  • 150 fosses ont été aménagées pour y planter des légumes sur les trottoirs, devant des immeubles, etc. Elles sont gérées par le collectif de citoyens bénévoles « Faites comme chez vous »  
  • 700 ruches : un chiffre qui a incité la Ville à cultiver des plantes mellifères qui produisent du nectar et du pollen de bonne qualité pour les pollinisateurs.  
  • L'éco-pâturage : à Montréal, il est possible de voir des moutons en liberté dans des parcs. Les moutons permettent de ne pas tondre le gazon, réduisant ainsi la pollution de l'air, le bruit et le tassement du sol causés par les tondeuses.  
  • La collecte des déchets alimentaires et les composts collectifs : depuis le 1er mars 2018, la collecte au porte à porte des déchets alimentaires se fait sur tous les immeubles comprenant 20 logements ou moins et de nombreux « composteurs communautaires » sont installés en ville.
 
 
Où en sommes-nous dans l'agglomération grenobloise ?
 
 
  • 1 ferme urbaine bio de 1,4 hectare inaugurée depuis septembre 2018 au centre horticole (rue des Taillés) de Saint Martin d'Hères.
  • 23 jardins partagés: certains sont gérés par la ville, d'autres par des associations et des collectifs
  • 6 vergers collectifs : dans des espaces publics accessibles pour toutes et tous
  • Le compost : la Métro fournit gratuitement des composts individuels et il existe plusieurs sites de compostages collectifs (voir la carte des composts partagés en France)
  • Privilégier les plantes potagères aux fleurs dans l'espace public : une idée partagée avec la ville de Vancouver qui favorise la plantation d'arbres fruitiers. Des dizaines de tonnes de fruits sont ainsi récoltés en ville chaque année.
 
Loin d'être aussi exemplaire que nos amis canadiens, Lucille Lheureux, adjointe à la mairie, est revenu sur les problèmes d'aménagements à Grenoble, mais aussi sur les solutions qui existent actuellement.
Selon Lucille Lheureux, les jardins partagés manquent de popularité à cause d'une multiplicité de contrainte : adhésions à une association, horaires, chartes, réglements, manque de savoir-faire…
Cependant, certains jardins sont gérés par la Ville qui offre gratuitement des formations de jardinage à ceux qui le souhaitent avec la SCOP Terre Vivante. Ces formations peuvent concerner autant les débutants que les jardiniers confirmés ayant le désir d'approfondir leurs compétences.
 
Si l'on rencontre un espace aménageable pour en faire un jardin (un trottoir un peu large par exemple), il est possible de faire une demande à la Ville afin que celle-ci retire le béton et installe de la terre. Cependant, une évaluation du sol sera d'abord nécessaire car beaucoup de parcelles sont polluées à Grenoble (hydrocarbure, métaux lourds…).
 
Pour Lucille Lheureux, le principal problème auquel nous sommes confrontés à Grenoble est le manque de place : Grenoble a une superficie de 18km² qui ne peut être plus étendue, la ville étant enclavée dans ses massifs. Il serait donc impossible de créer intra-muros de grands espaces maréchaîs. Les grands espaces encore disponibles sont peu nombreux : le parc Paul Mistral, la Villeneuve, Bachelard et la Bastille. Cette dernière fait actuellement l'objet d'un projet, mais les murs étant classés monuments historiques, la Ville peine à trouver un lieu convenable. Quant aux autres espaces, Lucille Lheureux rappelle l'importance de garder des espaces récréatifs pour les habitants.
 
 
Cultiver sur les toits
 
En réponse au manque de place, Éric Duchemin a montré que de nombreuses agricultures urbaines s'effectuent désormais sur les toits. À Montréal, le maraîcher Ligne Verte a créé un potager de 2300m² sur le toit d'un supermarché ce qui en fait le plus gros toit vert comestible du Canada.
 
Non seulement les toits végétalisés permettent de faire baisser la température des villes et de lutter contre le CO2 mais en plus, ils offrent des espaces qui rendent possible la création de fermes urbaines. Ce sont de nouveaux modèles de fermes majoritairement gérés par des équipes et des collectifs bénévoles. On voit même apparaître des serres de toits qui n'ont pas besoin d'être chauffées puisqu'elles récupèrent la chaleur des bâtiments qui s'échappe par les toits en hiver et reçoivent suffisamment de soleil en été.
 
À Grenoble aussi des initiatives sont mises en œuvre pour cultiver sur les toits. L'association Cultivons nos toits développe ainsi « des projets de potagers participatifs et de production potagère sur les toits ». L'association a pu cultiver et produire une tonne potagère sur le toit de la Casemate en centre ville de Grenoble grâce aux maraîchers aériens. Elle a également identifié 450 hectares de toits plats dans l'agglomération grenobloise. Une autre projet, le Bar Radis (présent au Palais des Sports pendant la biennale), est en cours : un restaurant avec une terrasse de 2000m² entièrement dédiée à la culture (jardin potager, serre) devrait ouvrir l'année prochaine à côté de la Bifurk et de la MC2. Leur page Facebook ici.
 
 
Plus qu'un enjeu citoyen, un enjeu politique
 
« Le véritable enjeu, c'est la transition alimentaire » a déclaré Éric Duchemin. En effet, les potagers, les jardins et toutes les initiatives citoyennes restent insuffisantes selon lui. Pour que de réelles transitions soient possibles, il est nécessaire que les villes les planifient : l'agriculture urbaine doit être incluse dans leur politique. La Ville de Vancouver a pris la décision de créer une ferme à l'emplacement d'un parking inutilisé (vestige des jeux olympiques de 2010) où les emplois sont prioritairement proposés à des personnes sans abris. La transition alimentaire, c'est donc aussi de l'insertion et de la création d'emplois.
 
Pour Bertrand Noiret, il faudrait un pacte alimentaire : l'environnement rural de la métropole devrait alimenter localement plutôt que de vendre à l'international. De même qu'il est urgent de revenir à un système de production agricole diversifié et éthique.
 
 
Pour aller plus loin :
 
 
 
Kelly Dessois pour Alpes Solidaires

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