RAILCOOP, une alternative à la SNCF

 

 

Il semble en effet qu'avant même la bataille des offres de service qui devrait abonder dès 2021, la SCIC Railcoop se place sur le segment abandonné Lyon-Bordeaux. Cette avant-première saurait-elle inspirer une initiative similaire sur les réseaux du bassin grenoblois  ?

 

Historique :

En 1938 naît officiellement la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF), aux fins d’unification du réseau ferré. A l’origine une société d'économie mixte (51 % du capital appartient à l’État), elle devient un service public à part entière en 1983.

En 1997, la SNCF est scindée en deux entités principales afin d'entamer le processus de morcellement d'une propriété collective au profit d'acteurs strictement privés :

  • SNCF Mobilité (en charge du transport)

  • SNCF Réseau (en charge de l'entretien du réseau ferré)

Elle commence aussi à déléguer la gestion des TER (créés en 1986) aux régions administratives.

En 2005, l'ouverture à la concurrence devient effective : SNCF Mobilité perd son monopole (mais SNCF Réseau conserver le sien). Au fil des ans, la SNCF redevient une économie mixte à la tête de plus de 670 filiales (entretien, restauration, transport routier, autocars etc...) et perd son monopole des transports de voyageurs sur le territoire français.

En 2020, tout semble concourir à un retour en 1938, l’usage du rail devant être à nouveau réparti entre différentes sociétés par ailleurs concurrentes...

 

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Railcoop :

En 2014, l'opérateur historique, comme il sera désormais de bon ton de l'appeler, ferme la ligne Lyon-Bordeaux (du fait de sa politique 'Tout TGV' qui sur ce trajet, implique désormais une correspondance... à Paris!). (*)

En 2019, la SCIC Railcoop annonce pour 2022 : « utiliser la voie ferrée déjà existante, investir dans la location de matériel ferroviaire dernier cri chez Alstom et proposer trois allers-retours quotidiens (dont un train de nuit -ndr) reliant les deux capitales régionales. »

Forte de ses 1800 sociétaires, la coopérative entend même remettre au goût du jour les tarifs au kilomètre en vigueur avant le virage technocratique de la SNCF et sa tarification alignée sur celle des compagnies aériennes (réservations obligatoires et prix de billets fluctuant selon la demande) ! Ce qui s’apparente à une philosophie du transport ferroviaire désuette (voyages de nuit, cabotage, temps de trajet plus long qu’en avion ou en voiture, ré-ouvertures de gares locales) s’adosse à une nécessité bien actuelle : concurrencer le trafic routier. En effet, la fermeture de la ligne, pénalisant la desserte des gares intermédiaires, a non seulement redirigé les usagers vers les cars ou les automobiles mais a mathématiquement contribué à augmenter le transport de marchandises par la route ! (**)

 

Une initiative citoyenne et vertueuse :

La raison d’être de Railcoop s’inscrit dans une réflexion basée sur les paramètres suivants  : « 90% des Français résident actuellement à moins de 10 km d’une gare. Néanmoins, 30% des gares existantes sont non desservies et le réseau actuel sert en priorité les grandes villes et les axes Paris-Province. L’usage du fret ferroviaire en France reste par ailleurs très inférieur aux autres pays européens. Or, plutôt que de créer de nouvelles infrastructures, pourquoi ne pas tirer partie du réseau ferroviaire existant qui n’est pas utilisé au maximum de sa capacité ? » La (re)mise en service en service d’une infrastructure initialement communautaire fait tout à fait sens dans l’optique d’une société coopérative, par ailleurs orientée écologie : « Dans un contexte de réchauffement climatique, le train est un maillon essentiel de la transition écologique en cours en plus d’être un des moyens de transport les plus sûrs. Le transport de voyageurs par rail nécessite en effet moins d’un douzième de l’énergie requise à masse égale pour déplacer une personne ou une tonne de marchandise par la route. Développer le ferroviaire, c’est aussi, indirectement, protéger la biodiversité, freiner l’artificialisation des terres et donc préserver nos territoires. Le train consomme moins d’espace que les routes et est très complémentaires des mobilités douces (vélos, marche à pieds,…). »

Railcoop s’est structurée sous la forme d’une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) sous forme de Société Anonyme à capital variable. Elle [ … propose à ses adhérents de devenir sociétaires et à prendre part à la vie de l’entreprise tout en participant à la constitution de son capital social. Chaque sociétaire, dont les futurs salariés, possède ainsi une voix lors des Assemblés Générales. Alexandra Debaisieux (Directrice Générale Déléguée) ajoute : «… Le statut de SCIC nous contraint à une obligation d’équilibre économique et à reverser au moins 57,5 % du bénéfice dans l’objet social de l’entreprise plutôt que de verser des dividendes. ... Notre philosophie est de créer de la richesse collective. Enfin, nous veillons à plafonner les rémunérations avec une échelle de salaire allant de 1 à 7 ». ](***)

 

Histogramme du projet Railcoop

 

« 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion ;

La société Railcoop, en ré-ouvrant une ligne condamnée, joue sur la cartographie de la modernité économique un atout d’importance : l’utilité collective. Assurée de ne pas verser dans le profit à tout crin par le choix de son modèle économique, elle saura peut-être inspirer d’autres initiatives de ce type dans des territoires où tant la mobilité que le transport de fret sont cruciaux. A suivre…

 

Laurent Bagnard pour Alpes Solidaires

 

(*) A titre indicatif, ce trajet-ci compte environ 1100 km, contre moins de 600 en voiture !

(**) En 2017, 359 milliards de tonnes-kilomètres de marchandises ont été transportées sur le territoire français métropolitain ... Le transport intérieur terrestre de marchandises (voir définition dans le glossaire) est largement dominé par le transport routier.En 2017, la part modale de la route progresse au détriment du transport ferroviaire et du transport fluvial ; la part de la route représente désormais 88,5 % du transport terrestre hors oléoducs, celle du transport ferroviaire 9,6 % et celle du transport fluvial 1,9 %.Après trois années consécutives de stabilisation, le transport terrestre (hors oléoducs) rebondit nettement, de 6,0 %, en 2017, tiré à la hausse par le transport routier (+ 6,5 %). (source Insee)

(***) Source - www.goodplanet.info

 

 

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