Mobilité et énergie verte

 

Alors qu’avides de modernité, sauvegarde de la planète et mobilité se conjuguent désormais en kilowatt-heures (entendez par là traction électrique), un regard vers le passé atteste que les transports en commun grenoblois fonctionnaient à « l’énergie verte » produite localement dès 1897 !

 

Les rares et lointaines matières premières actuelles (uranium pour les centrales nucléaires et silicium pour les panneaux solaires) étaient à peine connues par quelques scientifiques loin d’imaginer la production – et la consommation - de masse d’électricité que nous connaissons aujourd’hui ; les ressources locales (génératrice à charbon de La Mure , au départ) suffisaient pleinement à alimenter un réseau bourgeonnant.

Carte du réseau tramway aux alentours de 1935

Carte du réseau, 1935

 

Une métropole organisée !

 

Elément essentiel d’une révolution industrielle installée depuis une cinquantaine d’années dans le paysage, le chemin de fer à vapeur reliait nombre de villes et de villages et permettait aussi les transports intra-muros des grandes cités. Cependant, du fait des progrès techniques autorisant l’utilisation progressive de l’électricité à des fins publiques (éclairage urbain, pour ne citer que lui), les locomotives à vapeur furent progressivement remplacées en ville par des motrices électriques : les tramways.

En 1894, la SGTE (Société Grenobloise de Transports Electriques) ouvrit ses deux premières lignes, de Grenoble à Varces et de Grenoble à Eybens.

 

eybens 1911

 

Le courant était alors produit par une centrale thermique située sur l’actuel Cours de la Libération (Av. Anatole France à l’époque), près du dépôt du matériel roulant. En 1897, la Société Grenobloise Force et Lumière créa la première centrale hydro-électrique sur le Drac, alimentant Grenoble et Moirans. Deux ans plus tard, une nouvelle société de transports, la TGC reliait par tramway la préfecture de l’Isère à Chapareillan, aux portes de la Savoie.

 

grenoble place grenette

 

La décennie suivante vit non seulement l’extension physique du réseau vers les communes de Sassenage, Veurey ou Vif, mais aussi l’électrification de la doyenne des lignes de l’agglomération Grenoble / Domène / Vizille, opérée celle-ci par les Voies Ferrées du Dauphiné (VFD). De 1909 à 1920, la ligne de Grenoble à Villard de Lans fut construite en plusieurs étapes, reliant tout d’abord la capitale des Alpes à Seyssins, puis à La Tour sans Venin, pour atteindre Saint-Nizier en 1914. La première guerre mondiale gela les travaux, mais la dernière section put être achevée deux ans après la fin des hostilités. Deux cent vingt kilomètres de réseau électrique alimenté par des turbines à eau émaillèrent désormais le bassin grenoblois.

 

En plus d'assurer le transport des habitants de ce qu’on n’appelait pas encore métropole, le tramway permettait celui des marchandises : les produits de l’agriculture de l’Oisans ou du Vercors pouvaient converger au matin vers les marchés de Grenoble et permettre le retour des agriculteurs chez eux pour le travail de l’après-midi. De même, ce moyen de transport a permis « d'irriguer les zones éloignées en produits manufacturés ou de construction, indispensables à leur développement. L’administration des Postes profita aussi du tramway, en équipant certaines rames de boîtes aux lettres, et d'autres d'un wagon transformé en agence postale ambulante... Au-delà du transport des marchandises, le tramway participa à l'attrait touristique de la région grenobloise.» (source Wikipedia)

 

tramway grenoble villard

 

 

Houille Blanche et Fée Electricité

 

En 1925 fut organisée l’exposition internationale de la Houille Blanche et du Tourisme à Grenoble.

« L'expression houille blanche créée par Aristide Bergès (à l’origine des papeteries de Lancey-nda) pour l’Exposition Universelle de Paris en 1889 désigne la force hydraulique de l'écoulement de l'eau transformée en énergie électrique, par opposition avec la houille noire, le charbon.

La région grenobloise, entourée de montagnes, est particulièrement bien disposée pour créer des chutes d'eau artificielles et utiliser l'énergie hydraulique... C'est ainsi que la houille blanche va contribuer … au développement de la fée électricité notamment à Livet-et-Gavet, la première commune de France à réussir le transport de l'électricité. » (source Wikipedia)

 

Expo 'la houille blanche' Grenoble 1925

Exposition 'Houille Blanche', sur l'actuel parc Paul Mistral

 

Sous l’égide du maire de l’époque, Paul Mistral, cet ambitieux évènement mit en valeur les bienfaits de l’électricité, depuis ses moyens de production jusqu’à ses applications. :

  • Le Palais de la Houille Blanche accueillait un groupe d'électrochimie, un autre d'électrométallurgie et toutes sortes de turbines, transformateurs et disjoncteurs. Plusieurs pays étrangers exposaient leurs réalisations, des maquettes expliquaient les méthodes et les procédés pour l'utilisation de la force hydraulique. Un vrai laboratoire permettait l'essai immédiat de tous appareils électriques.

  • Le palais des chemins de fer exposait, entre autres, des locomotives à courant continu. En effet, l’électricité comme force motrice commençait à se généraliser. (1)

expo 1925

 

1 050 000 visiteurs seront comptabilisés à l’issue des six mois de l’exposition (2), une fraction d’entre eux véhiculés grâce à un omnibus… électrique de fabrication Berliet, à Lyon.

 

Berliet Electrique

 

(1) – Pourtant la ligne SNCF Lyon-Grenoble ne sera électrifiée qu’en… 1983 !

(2) - À titre de comparaison, Grenoble alors compte 85 000 habitants.

 

 

Tramways et Trolleybus

 

Dès 1933, la ligne Grenoble-Chapareillan fut partiellement remplacée par un service d'autocars opéré par les VFD. Le déclin du tramway s'accélèra jusqu'en 1938 par la suppression progressive d'autres portions de tronçons sur la lointaine périphérie de l'agglomération.

A l'issue de la seconde guerre mondiale, le réseau de tramways grenoblois réduit de moitié souffrait de vétusté. Son entretien, contrarié durant l'occupation allemande, nécessitait un remplacement plutôt qu'une remise à niveau. Il fut donc décidé par un syndicat mixte (municipalité, département et compagnies privées) d'installer progressivement des lignes d'autobus électriques, les trolleybus, en lieu et place des petits convois ferrés d'avant-guerre. Ne nécessitant pas de rails, ces véhicules reliés par deux perches aux câbles aériens fournissant l'énergie motrice entrèrent en service dès 1947 sur une première portion du réseau (Gare SNCF / La Tronche), puis sur la section qui relie le centre-ville à Pont de Claix.

Plus facile à mettre en place, l'autocar remplaça progressivement les lignes extérieures à l' « Y Grenoblois » (dénomination approximative regroupant Grenoble et sa banlieue).

En 1952, le tramway avait disparu de l'agglomération, au profit d'un panaché de lignes mixtes de trolleybus et d'autobus, les communes éloignées étant désormais desservies par des lignes d'autocar.

trolley vetra

Trolleybus Vetra, 1957 (mis en service dans l’agglomération en 1966) - Collection association "Standard 216"

 

troley renault

Génération suivante, de marque Renault, remplacés par l’actuel tramway. Collection association "Standard 216"

 

Conclusion

La mixité Trolley/Bus a duré jusqu’en 1987, date à laquelle le tramway fit son retour dans les artères grenobloises. Dans l’entretemps, la gestion des transports urbains fut confiée à un syndicat mixte encore d’actualité, le SMTC, après la disparition progressive de toutes les sociétés exploitantes historiques (à l’exception des VFD, désormais gérante de lignes d’autocars).

Sous le nom commercial TAG, ce syndicat fit de Grenoble la seconde ville française après Nantes à posséder à nouveau un tramway. En novembre 2015, il fut décidé d’alimenter le réseau de la métropole avec de l’énergie renouvelable issue du solaire, de l’éolien ou de l’hydroélectricité.

La boucle de l’alimentation vertueuse semblant donc bouclée, la cartographie actuelle de la mobilité reste nettement moins développée que celle de la fin des années 1920. En cent ans, le visage de l’agglomération a changé. Sa population a augmenté, tout comme ses besoins en matière de transport. Si Paris est désormais la 17e ville la plus polluée au monde (3), Grenoble est 7e au classement national (4). En juxtaposant les données du début du siècle dernier et celles d’aujourd’hui, l’effort vers « l’énergie verte » est effectivement justifié pour les transports en commun, globalement moins électriques qu’en 1920 cependant, mais il reste à solutionner celui des transports de marchandises, désormais du ressort quasi-exclusif de leviathans des autoroutes, gavés de carburant diesel.

L’étude du proche passé pourrait-elle être source d’inspiration ?

 

(3) – source Futura Planète

(4) – source Science Post

 

PS - article écrit avec l’aide précieuse de M.Jean-Marie Guétat, de l’association Standard 216, mémoire vive des transports en commun de l’agglomération. N’hésitez pas à visiter le site web et mieux encore le musée de l’association, où sont précieusement conservés des exemples restaurés de véhicules de toutes époques.

 

Laurent Bagnard pour Alpes Solidaires

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