RSA: historique et financement

Le Revenu de Solidarité Active (RSA, ou plus exactement rSa) est né en 2008, du fait de M. Martin Hirsch, alors Haut Commissaire aux Solidarités Actives. Contrairement à l'idée reçue qui veut que « le travail finance l'assistanat », son budget n'est pas ponctionné sur l'impôt sur le revenu. M. Hirsch l'a pensé comme un « impôt inversé » dont la source est un prélèvement de 1,1% sur les transactions financières.

 

Historique : Martin Hirsch et le rSa.

 

Martin Hirsch a derrière lui une solide réputation lorsqu'il s'affiche en soutien de Ségolène Royal lors de sa campagne présidentielle de 2007, appelant alors à « conjuguer travail et solidarité ». Modelée consciencieusement à partir de la matière brute acquise au sortir de l'Ecole Nationale d'Administration (1990), la carrière de ce sympathisant PS surdiplômé lui permet de s'installer au titre de « haut-commissaire aux Solidarités Actives » dans le gouvernement Fillon de 2007. Mr Hirch a en effet gagné ses galons de chantre de la cause sociale en occupant des postes aussi divers que :

- Conseiller juridique à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ('90-'91)

- Ministère de la Santé et de l'action humanitaire ('92-'93)

- Secrétaire adjoint au Conseil d'État ('93-'95)

- Directeur de la Pharmacie Centrale des Hôpitaux de Paris (1995-1997)

- Directeur de l'union centrale des communautés d'Emmaüs (1995-2002)

- Président d'Emmaüs France (2002-2007)

- Directeur de cabinet du Secrétaire d'État à la Santé et à l'action sociale, M. Krouchner /

Conseiller chargé de la Santé auprès de Mme Martine Aubry (1997-2000)

 

Il prend ses fonctions investi d'une mission : combattre la « trappe à pauvreté ». D'aucuns penseront qu'il est la caution sociale d'un gouvernement de droite dure, il n'empêche que son concept «d'impôt inversé », malgré les réticences d'un parti majoritairement contre « le cancer de l'assistanat » (1), débouchera sur une mesure qui, encore aujourd'hui, bénéficie à environ 3,85 millions de personnes (ou 1,88 millions de foyers).

 

Trappe à pauvreté et impôt inversé

 

La «trappe à pauvreté» fonctionne ainsi : au sortir d'une période grandement dépendante de l'aide sociale (allocations diverses, services gratuits, aides à la garde d'enfants et à la mobilité etc...), l'emploi retrouvé risque de générer une situation plus précaire que le non-emploi. C'est un paradoxe mathématique crucial : un salaire assuré peut en effet couper les soutiens financiers pré-existants bien qu'il ne puisse subvenir à toutes les dépenses engendrées par la simple nécessité d'exister. Par calcul, certains préfèrent donc refuser un travail peu rémunéré plutôt que de perdre leurs allocations de survivance ; ils s'obligent donc à rester inemployés et dépendants des aides sociales.

Le RSA intervient en remplacement de l'ancienne mesure (RMI : Revenu Minimum d'Insertion) au titre de complément de revenu : il pallie ainsi à la perte des aides sociales pour la catégorie émergente des « travailleurs pauvres ». « Le RSA est un impôt négatif. Si vous ne gagnez pas assez, il faut compenser ce revenu. Et plus vous gagnez, plus cet impôt négatif diminue. Cela casse ainsi les grilles idéologiques. » (2) Le concept est séduisant, quand on songe que l'impôt n'est généralement perçu qu'à sens unique : du particulier vers l'État. Sur le principe, celui-ci est maintenant directement solidaire, dans le sens effectivement inversé où il va censément de l'État au particulier.

Cela dit, le RSA une fois perçu a vocation à permettre un minimum de consommation. Il est obligatoirement capté (pour une fraction) par l'impôt indirect : la TVA (Taxe Sur la Valeur Ajoutée, s'échelonnant de 5,5 à 20% sur le prix des produits et services en France), de fait revient dans cette proportion dans les caisses de l'État à chaque achat de nourriture ou d'essence, par exemple...

 

Cela dit, loin de faire consensus, cette mesure votée en 2008 (3) se voit dotée d'un budget minimal de 1.5 milliards (plutôt que des 6 demandés), au grand dam de ses détracteurs au sein même du gouvernement (4). Revenant sur cet accouchement au forceps, M. Hirsch déclare à postériori : «  Il faut se souvenir que le RSA a été conçu en 2008, juste avant la crise, alors que chômage baissait. Tout le monde (au gouvernement – ndr) avait la hantise qu'il y ait un afflux de demandes vers le RSA. On m'a ainsi forcé à mettre quelques verrous dedans pour rendre l'accès plus difficile... »(5)

 

Financement du RSA

 

La proposition de M. Hirsch se révèle ouvertement novatrice avec le mode de financement qu'elle propose. Inspirée du travail de l'économiste Tobin, elle suggère de ponctionner de l'argent là où 'il se fait', littéralement ! En termes simples, les résultats économiques sont identifiables dans deux groupes  :

  • L'économie réelle, qui est le vocable utilisé pour englober tous les paramètres de l'activité de production et donc du travail.

  • L'économie que l'on pourrait qualifier ici de 'virtuelle' qui s'est développée avec la surenchère financière, c-a-d la faculté de permettre l'existence d'une valeur additionnelle à la valeur intrinsèque de l'économie réelle : la finance (les places boursières et leur théâtre d' obscures spéculations, pour ne citer qu'elles).

Taxer le travail – donc l'économie réelle – est un principe séculaire.

Taxer l'économie virtuelle – qui produit une richesse provenant uniquement des « transactions financières » - est un séduisant principe réfuté par le système capitaliste depuis 1972, date de la publication des écrits de M. Tobin.

 

Cependant, il apparaît qu'en France, 1,1% des transactions financières sont directement siphonnés du monde de la finance vers l'économie réelle à travers le Revenu de Solidarité Active, destiné à soutenir l'emploi ! Solidarité forcée, mais solidarité active...

 

Le RSA, calcul et répartition

 

Le « Livre Vert », écrit par M. Hirsch et paru en Février 2008, explique que : « le RSA joue le rôle de revenu minimum lorsqu'un ménage n'a aucune ressource. Il complète les revenus du travail pour ceux dont les revenus sont trop faibles pour sortir de la pauvreté ou se situent au bas de l'échelle des salaires. »

 

  • Calcul de l'allocation :

Voilà pour l'application du principe du Revenu de Solidarité Active ; à l'origine, le montant de l'allocation de base est défini par rapport au concept de 'seuil de pauvreté' : 

« Le seuil de pauvreté est calculé en prenant 60% du revenu médian (6) de la population française, soit 817 Euros/mois... Depuis plusieurs années la proportion de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté ne diminue plus et 7,1 millions de personnes sont aujourd'hui dans cette situation ».

En 2008, donc, l'indemnité de base (le RSA 'Socle') pour les ménages privés de ressources était de 490 Euros/mois.

 

  • Répartition de l'allocation :

En 2014, l'allocation concerne 2,39 millions de foyers. Elle est répartie dans cette population comme suit :

 

  • 66% sont alloués au RSA 'Socle' – soit une population sans ressources autre que lui

  • 23% sont alloués au RSA 'Activité' – soit une population dont le revenu est compris entre le revenu médian et le SMIC

  • 11% sont alloués au RSA 'Socle + Activité – soit une population dont le revenu est inférieur au revenu médian, mais ayant tout de même une source ponctuelle de revenu (intérim, intermittence...)

 

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Illustration 1: Source: www.rsa-revenu-de-solidarite-active.fr

 

Il est à noter qu'en mars 2016, le nombre d'allocataires dépasse le chiffre des 2,5 millions, soit 71 % de plus que lors de sa création. Cette année là, le RSA 'Activité' est remplacé par 'La Prime d'Activité'.

 

 

Gestion des allocations

 

Comme nous l'avons vu, le principe premier du Revenu de Solidarité Active est d'une simplicité novatrice : le financement via un impôt sur les transactions financières.

Cependant, sa mise en application s'est complexifiée dès le départ du fait d'une volonté du gouvernement, ce qui peut paraître paradoxal.(5). Malgré tout, le RSA existe et perdure. Comment est-il géré ?

Son mode de répartition est ainsi décrit sur le site du gouvernement :

  • les conseils départementaux « gèrent les allocations, les dispositifs d'insertion (l'accompagnement et l'orientation des bénéficiaires) ». Chaque conseil départemental a pour mission de définir et de financer le PDI (programme départemental d’insertion). « Il pilote l’insertion et conclut avec les autres acteurs de l’insertion la convention d’orientation et d’accompagnement ainsi que le PTI (pacte territorial pour l’insertion). »

  • La Caisse d'Allocations Familiales (CAF) (8) enregistre les demandes, calcule les droits et effectue les versements.

La gestion du RSA n'est pas aussi directe que son principe fondateur semble le suggérer. En effet, l'État ne distribue pas un budget global aux différents conseils départementaux. Il se contente, et ce dès 2008, de compenser à hauteur de 80% les dépenses des Départements en la matière. En 2020, il ne compense plus qu'à hauteur de 51%. En clair, ce sont donc les conseils départementaux qui doivent faire l'avance des dépenses liées au dispositif RSA (allocations et actions d'insertion), au titre de la décentralisation, et ce selon une base dégressive au fil des ans (et des gouvernements).

A titre d'exemple, la Seine-St-Denis (le département le plus pauvre de France), devait assumer un reste-à-charge de 207 millions d'Euros en 2019 (sur un budget de 532 millions), contre 195 millions en 2012. « Depuis ... 2004, ce sont plus de 1,8 milliard d’euros qui ont été directement assumés par le budget départemental au nom de la solidarité nationale », précise Stéphane Troussel, Président du Département.

La lutte contre le fléau de la pauvreté semblerait pourtant du ressort d'une solidarité non pas territoriale, mais nationale, ainsi que le suggère cet extrait de la constitution de 1946 : « Toute personne qui en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler, à le droit d'obtenir des moyens convenables d'existence ».

 

Le gouvernement actuel, sous l'égide de M. Castex, vient de décider de faire de la Seine-St-Denis un territoire d'expérience de nationalisation intégrale de la gestion financière du RSA dès 2022. Le but initial de M. Hirsch de faire reculer la pauvreté sera-t-il enfin atteint ?

Un tel recadrage budgétaire par la re-nationalisation de la mesure éclaircira à nouveau la provenance de son budget, majoritairement ponctionné sur une économie virtuelle qui ne souffre en rien de la crise sanitaire.

 

Laurent Bagnard pour Alpes Solidaires

 

 

 

  1. - M. Laurent Wauquiez, en 2011 : « L’assistanat est aujourd’hui l’un des vrais cancers de la société française, parce que ça n’encourage pas les gens à reprendre un travail, parce que ça décourage ceux qui travaillent. »

  2. - Citation de M. Hirsch dans l'article : « Martin Hirsch : 'Le meilleur ennemi du pauvre, c'est le pauvre.' » par Thomas Mahler, Le Point. 24/02/2019.

  3. - Les Départements et Collectivités d'Outre-Mer devront attendre 2011 pour bénéficier du RSA.

  4. - Parallèlement, la loi TEPA du 21 août 2007 (en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat), surnommée « paquet fiscal », a permis au gouvernement d'exonérer de taxation les plus-values lors des cessions d’actions pour un manque à gagner estimé à : 7,5 milliards d’euros par an.

  5. - Le personnel pour traiter les dossiers de demande de RSA a été jugé insuffisant en nombre et en formation, le gouvernement n'ayant prévu aucune embauche pour la mise en place du RSA. Selon les critiques, ce manque de moyen est délibéré et rend difficile de s'adresser à une personne physique dans les CAF, retarde les versements et l'examen des dossiers peut prendre plusieurs mois au lieu des quelques jours avancés par Martin Hirsch. De plus, le RSA a été généralisé peu avant les vacances, ce qui fait que, au moment où les demandes ne cessent d'augmenter (atteignant 700 000 en juillet 2009), la CAF est en horaire d'été, avec moins d'heures d'ouverture et moins de personnel. (Source Wikipedia)

  6. - Valeur d'un revenu situé à mi-hauteur sur l'échelle des revenus. Pour calculer le salaire médian, on classe chaque personne du plus bas au plus haut salaire puis on partage la population considérée en deux groupes comptant le même effectif (égaux en nombre). Le salaire médian est égal au salaire où l’on coupe l’effectif en deux parties égales.

  7. - Source : Wikipedia

  8. - Ou la MSA (Mutualité Sociale Agricole), le cas échéant.

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