S!cklo : premiers coups de pédale pour la future coopérative

 

S!cklo (ou Sicklo pour l’écriture web), c'est un collectif de huit livreurs à vélo grenoblois qui travaillent pour différentes plate-formes. Ils ont décidé de se réunir en coopérative afin de pérenniser et sécuriser leur activité tout en arborant les valeurs de solidarité et d'utilité sociale et environnementale qui à la fois les portent individuellement et les rassemblent. Pour préparer cette aventure, ils ont monté une « association de préfiguration » qui leur permet de tester leur activité grandeur nature tout en limitant les risques. Début octobre, S!cklo a effectué sa première livraison de déjeuner dans le centre-ville de Grenoble. Avant de leur souhaiter bonne route, on vous les présente !  

 

S!cklo : mais qui se cache derrière ?

Huit livreurs à vélo inscrits sur différentes plate-formes, sous divers statuts, tous passionnés de sports en général et de vélo en particulier, ils veulent faire de leur « petit boulot » une activité pérenne. Leur but n'est pas de s'attaquer aux géants du secteur, mais de proposer une alternative à une clientèle exigeante, et de tourner leur activité vers une éthique qui leur correspond mieux, tant au niveau du statut que de la proposition de services.

Florent se vante d'avoir parcouru 25 000 km en 2018 sans cramer une goutte de pétrole. Il croit en l'avenir de ce mode de livraison, qui répond à une nécessité environnementale, flagrante dans la capitale des Alpes engoncée dans son écrin de montagnes. Comme plusieurs de ses comparses, il est affilié à une grande enseigne de livraison à domicile via un statut d'auto-entrepreneur. Le jeune homme ne ménage pas ses efforts puisqu'il travaille 10 à 11h par jour. Il admet gagner confortablement sa vie, mais son envie de changement vient notamment du fait que depuis un an, il voit ses marges fondre comme neige au soleil. En effet la firme avec laquelle il travaille augmente toujours plus le pourcentage réclamé aux restaurateurs mais baisse dans le même temps le montant reversé aux coursiers.

De plus, son statut ne lui assure pas certains droits sociaux fondamentaux. Nul n'est à l'abri de devoir cesser son activité et il ne cotise pas au chômage. Mais surtout, il a vu l'un de ses collègues être victime d'un accident de la route causé par quelqu'un qui s'est enfui. Il était entre deux courses : il venait de livrer sa cargaison, en route pour en chercher une autre ; son sac était vide, il n'était donc pas assuré par la plate-forme. Adieu la reconnaissance en accident du travail.

L'idée a germé au fil de discussions de se réunir en coopérative : monter une SCOP (Société coopérative et participative), avec pour visée à terme de la transformer en SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) afin d'associer au projet leurs clients, leurs partenaires voire les collectivités territoriales afin de mener une réflexion collective sur ce mode de livraison qui profite à tout un territoire. Les ambitions sont posées, mais il faut bien commencer quelque part. Ces huit coursiers ont donc décider de tester leur activité en montant une « association de préfiguration ».  

Association de préfiguration : quesako ?

C'est une association de type loi 1901 à but non lucratif, qui anticipe via ses statuts une future transformation en société commerciale, notamment une SCOP ou une SCIC. Elle permet ainsi de « préfigurer » une future activité lucrative et notamment de la tester à échelle réelle en limitant les risques.

En effet Florent et ses collègues ont sollicité les conseils de l'URSCOP (Union Régionale des Scop) qui les a prévenus qu'un montage directement en coopérative impliquait a minima de salarier deux personnes et d'être donc en demeure de les payer. Le fait de commencer l'activité en association leur permet de prendre le temps de constituer le fonds de réserve et de faire les premiers investissements (un vélo cargo coûte cher !). Le groupe espère être en mesure de salarier deux premiers membres d'ici la fin 2019. Le statut associatif permet notamment d'avoir accès à des contrats aidés.

La fiscalité est également simplifiée. En l'occurrence le groupe a décidé d'appliquer une comptabilité qui se rapproche le plus possible de celle de la future Scop, afin que le test grandeur nature soit le plus fidèle au modèle à venir. Notamment, les tarifs pratiqués sont d'ores-et-déjà ceux qui seront appliqués plus tard, afin que le passage futur en Scop ne bouleverse pas les relations partenariales mises en place. Florent et ses amis tiennent à ce que ce projet repose sur une relation de confiance, garante d'une fidélisation des partenaires comme la qualité des prestations fournies.

Autre point important pour ces livreurs : l'association leur permet de déjà mettre à l'épreuve de la réalité un mode de décision collectif qui aura cours dans la future Scop. Ce principe démocratique est une des valeurs centrale de leur projet aux côtés de valeurs éthiques : solidarité, responsabilité environnementale et sociale, humanité.

 

Comment « préfigurer » ?

Il s'agit donc de prévoir dans les statuts de l'association la future transformation. Comme rien ne vaut un exemple, voici un extrait des statuts de S!cklo :

 

 

 

 

La préfiguration est donc explicitée dès l'objet même de l'association. La future Scop devant avoir la même activité que l'association pour en retenir les acquis sans devoir passer par une dissolution, elles sont ici définies assez largement, à l'aune des divers projets des instigateurs.

Il est à noter que les membres du Conseil d'administration d'une association ne peuvent être salariés de cette même entité. Le collectif a eu la veine d'agréger à son projet des gens intéressés par l'éthique et la nouvelle manière de faire face à l'ubérisation grandissante de notre société : les membres nécessaires du CA (président et trésorier) sont donc bénévoles et n'ont pas la vocation à être salariés.  

Le cadre juridique

Il n'est pas possible de transformer une association loi 1901 en une société qui a pour but la réalisation et le partage de bénéfice. Il y a en effet des différences insurmontables d'objet et de mode de gouvernance. La loi introduit donc une exception en ce qui concerne les sociétés de type coopératif, pour lesquels le projet conserve un caractère collectif, d'utilité sociale, une lucrativité limitée et une gouvernance partagée. Il est ainsi possible de transformer une association en GIE (groupement d’intérêt économique), en SCOP (société coopérative de production) ou en SCIC (société coopérative d'intérêt collectif).

Pour ce faire, les statuts de l’association doivent prévoir la possibilité de transformation, en référence à l’article 28 bis de la loi 47-1775 du 10/09/1947. La transformation doit se faire pour l'exercice de la même activité, soit la fourniture de bien et de services comportant un caractère d'intérêt collectif. Aucune personne morale nouvelle n'est créée, ce qui permet de conserver l'historique de l'association en ce qui concerne les partenariats, les contrats, les clients et les salariés, sans interruption. Le patrimoine sera affecté aux réserves impartageables de la nouvelle entité.
 

 

Les news : soutien financier de la part de GAÏA
En échos à la préparation de cet article, Sicklo a reçu le 30 octobre dernier un soutien financier de la part de Grenoble Alpes Initiative Active (Gaïa). Gaïa a pour objectif d’accompagner toute initiative créatrice d’emploi sur le département de l’Isère et en l'occurrence permet à Sicklo de consolider sa trésorerie et d'envisager les premiers investissements (vélos-cargos, location d'un local de stockage et de réparation…). Un chèque de 25.000€ leur a été remis en cette fin d'octobre sous forme de prêt, sécurisé par des subventions obtenues du côté de la Métropole de Grenoble et de Y-Nove(1).
 

Alpes Solidaires souhaite bonne route à toute l’équipe qui porte haut et fort les valeurs de l’Économie Sociale et Solidaire et ne manquera pas de suivre son évolution !

 

(1) Y-Nove est un réseau à l'échelle de la métropole grenobloise qui favorise la coopération entre acteurs de la jeunesse (une quarantaine d’acteurs publics, privés comme associatifs) et encourage les initiatives des jeunes de 13 à 30 ans. Voir notre article de présentation du programme Y-Nove : « Y-Nove : accélérateur de projets par et pour les jeunes ! »
 
Catherine ROBERT pour Alpes Solidaires

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