Coopérer, ça s'apprend

 

Ce qui fait l'identité de l’Économie Sociale et Solidaire, au-delà de la diversité des structures qui la composent, c'est la place centrale que l'humain y tient. C'est ainsi que la rentabilité est mise au service de la finalité sociale alors que le processus de décision n’est pas fondé sur la propriété du capital et implique les parties prenantes (salariés, collectivités, financeurs, bénéficiaires,…). Ce dernier point est un des quatre piliers de l'ESS et prend l'appellation de gouvernance participative. Cette dernière peut prendre diverses formes, plus ou moins horizontales (voir à ce sujet notre article sur la gouvernance partagée dans la Scop Le pain des Cairns. Que ce soit donc dans l'objet ou dans la forme d'une entreprise de l'ESS, cette implication des parties prenantes s'incarne dans la mise en place d'une coopération. Avec toutes les difficultés liées au fait de faire à plusieurs.  

 

Toute coopération met en jeu un processus d'intelligence collective. Cela implique que chacun prenne conscience de ses propres positionnements, au regard de ses valeurs et enjeux, de sa façon de les exprimer au et dans le groupe, et de prendre en compte les propositions des autres. Il s'agit d'interroger son propre rapport au collectif et aux individus. Quelle que soit la forme de collaboration qu'une entreprise de l'ESS voudra mettre en place, elle demande à chacun d'adopter une posture adéquate. La posture individuelle de coopération est le plus petit dénominateur commun à toute entreprise de co-construction. Ce positionnement n'est pas inné. C'est un travail qui se révèle pourtant indispensable pour envisager une construction collective harmonieuse.

Bonne nouvelle ! Si prendre conscience et exprimer sa propre posture n'est pas évident, ça s'apprend !

Nous vous avions déjà parlé de l'Université du Nous (UdN), qui travaille à développer des formations voire des expérimentations en matière de dynamique de groupe. Nous nous sommes entretenus cette fois avec Anna Cruaud, « facilitatrice en intelligence collective » comme elle aime s'appeler. À ce titre, elle accompagne les entreprises de l'ESS dans leur développement. Elle animera prochainement une formation à la Posture de coopération* avec sa comparse rencontrée à l'UdN Coline Caspard. Elle revient avec nous sur les enjeux d'une telle formation.

Partie prenante de la coopérative d'activité et d'emploi 3Bis à Grenoble où elle est entrepreneuse salariée, Anna Cruaud pratique la gouvernance participative au quotidien. Elle est élue au « conseil des associés » au sein de cette Scop. Elle s'est elle-même formée à l'Université du Nous où elle continue à être bénévole.

 

Entretien

Pourquoi est-il important d'apprendre à coopérer ?

Ce n'est pas parce qu'on est partie prenante de l'ESS qu'on sait comment coopérer. Dans mon parcours, il m'a fallu repenser ma posture, ma façon de « relationner ». Quelque soit la méthode pour faciliter la coopération et mettre en place une gouvernance participative, il faut déjà s'interroger sur sa posture. Identifier ma posture et l'impact qu'elle peut avoir dans le groupe, c'est une pierre angulaire pour me permettre d'être en mesure ou non d'entrer en coopération.

Qu'est-ce qu'une « posture de coopération » ?

C'est déjà s'interroger sur ses propres enjeux et besoins, sur ce qui me permet d'être en confiance au sein d'un groupe. C'est avoir pris du recul par rapport à sa propre relation à la prise de décision, au pouvoir, à l'argent. Quand on arrive dans un groupe, on est chargé de sa propre vision de ce que c'est de coopérer. Être au clair là-dessus permet de s'ajuster avec les autres membres du groupe pour avoir une vision commune. D'autant plus quand on veut coopérer en prenant soin de soi et des autres. Je suis plus disponible pour être à l'écoute des autres j'ai conscience de mes besoins et du fait que je peux les exprimer.

Une fois ma posture définie, comment intervient la coopération ?

Coopérer c'est d'abord créer un cadre de confiance pour faciliter la coopération. Une fois l'ensemble de règles et de processus accepté, on jouit d'une plus grande liberté pour coopérer et construire ensemble. C'est le principe en improvisation du « oui, et... » : c'est pour cela que lors de mes formations je me sers de la pratique du clown comme outil d'apprentissage. Le clown, on va lui imposer des contraintes telles que « Tu es dans une fête foraine et tu assistes à un feu d'artifice ». Ce sera beaucoup plus facile pour lui de trouver de la matière à exprimer que de lui dire « monte sur scène et fais ce que tu veux ». Le cadre permet aussi d'être dans l'écoute pour ne pas être contre mais prendre en compte la parole de l'autre. Je m'appuie beaucoup sur les outils de communication et d'intelligence collective que je mets en pratique au quotidien pour développer des échanges constructifs.

Est-ce que ma posture est quelque chose de figé ?

Clairement non. La dynamique collective impose aussi de faire des aller-retours entre différentes postures. Quand est-ce que je dois lâcher et quand est-ce que je dois tenir ? Il faut savoir passer du leader au souteneur et vice versa. Sans impulsion le groupe peut ne pas avancer, mais si tout le monde veut décider sur tout, cela peut être un vrai frein à la mise en œuvre… Comment je contribue, je me positionne ou j’accepte ? Quelle est ma légitimité ? Est-ce une préférence ou est-ce vraiment important que mon point-de-vue soit entendu car je vois un risque ? Coopérer prend donc des formes différentes en fonction de ce que le collectif doit faire : décider, créer, chercher des solutions, construire une vision commune.. À chacun de l’inventer.

 

* Formation à la Posture de Coopération par Coline Caspar et Anna Cruaud les 2,3,4 mars 2019.

 

 

Catherine Robert pour Alpes Solidaires

 

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